lundi 27 février 2012

Pourquoi une idée n'est pas un concept ?


Des idées, on en a tous les jours. Ça commence par un eurêka dans la douche. Ça enchaîne par un tonitruant : "et si on allait prendre un café ?" partagé avec ses collègues ou seul au zinc du quartier. Puis ce sont les idées de son chef ou du designer d'à côté qu'il faut écouter, toujours bonnes. Il veut changer le monde, il a forcément des idées... L' idée n'est pas l'apanage du créatif, loin de là. Elle n'est pas non plus le fait des gens autorisés. L'idée est belle en France, la réalisation toujours décevante, alors il faut en proposer de nouvelles. "Ça serait quoi votre voiture idéale ?" demande-ton dans les enquêtes ethnographiques ? Lui aussi, le futur client a de très bonnes idées sur sa future voiture : plus belle, plus grande, plus maniable, plus douce, plus fluide. Le monde idéal est probablement une association d'idées qui nous éloignent temporairement du réel, peut être pas assez à notre goût.
Les concepts aussi, on en croise facilement. Dans les revues, dans les pubs à la télé, au boulot, dans les discussions entre copains. Alors quoi ? un concept, une idée, quelle différence ?
"Pour plus de convivialité, on pourrait mettre l'espace café au centre de l'entreprise au lieu de le ranger au fond ou dans le passage, sous un néon blafard" me proposait l'un de nos étudiants qui travaillait sur La Concierge. Oui, c'est une idée, pourquoi pas ?
Mais ça n'en fait pas pour autant un concept. Cette proposition peut se discuter, on peut y voir des avantages, des inconvénients. On peut lancer un groupe de réflexion pour savoir si c'est une bonne ou une mauvaise idée. Le chef de service peut aussi prendre une décision sur le sujet, s'il le souhaite. Mais ce n'est pas un concept, tout simplement parce qu'il n'y a rien à concevoir. Changer de place la machine à café, repeindre le local, changer le néon, ce n'est pas de la conception. Et pas de concept sans conception.
Un peu étroit comme définition, juste un jeu de mots ? Pas si sûr...
Où commence la conception ? L'architecte, l'artiste et l'ingénieur sont les trois figures historiques de la conception1 et le designer en est l'héritier. Qu'ont donc en commun ces quatre là ? Ils créent ! oui c'est évident, sauf pour l'ingénieur pour lequel il faut ressortir Vinci, Eiffel ou Ford. Les ingénieurs d'aujourd'hui ne semblent plus créer grand chose. Laissons ce point pour nous concentrer sur la conception. Elle commencerait donc par l'acte de création ? Il s'agirait d'apporter quelque chose qui n'existait pas avant, quelque chose d'inconnu, de surprenant. Oui, c'est bien cela : avancer dans l'inconnu. Mais ce n'est pas que cela. Autre point commun : ces quatre là font largement appel aux connaissances existantes pour faire leurs propositions : l'artiste fait d'abord ses classes et ce n'est pas seulement une affaire de maîtrise technique, il s'imprègne aussi du cheminement de ses prédécesseurs dans le rapport à la lumière, au son, au monde. Il marche sur les pas des générations précédentes jusqu'à proposer un nouveau regard, une nouvelle interprétation. En quelque sorte, il va faire de l'inconnu avec du connu.
Plus difficile à déceler, ces quatre là ont recours à une modélisation des objets qu'ils conçoivent. Quand Le Corbusier propose la "machine à habiter", il modélise la structuration de l'espace en cellules (pièces de vie) indépendantes capables de se glisser dans l'infrastructure du bâti. Et c'est ici qu'on touche la notion de concept : une association d'attributs, c'est à dire de propriétés universelles qui permettent de comprendre la proposition. Cette compréhension est indispensable pour entraîner un collectif dans l'inconnu. Quatrième point de l'acte de conception : la mobilisation d'un collectif. Pour l'ingénieur ,l'architecte et le designer qui entraînent des corps de métiers, c'est évident. Mais c'est aussi le cas pour l'artiste qui n'est pas toujours seul (le jazzman par exemple) et qui doit surtout emmener son public comme partie prenante à l'acte de création.
En résumé, conception = création + connaissances existantes + concept + collectif.
Et le concept n'est pas donné avant la conception ! C'est ça qui est fort ! Le concept est le fruit de l'activité de conception au même titre que la réalisation concrète.
Donc faisons le tri entre nos idées et nos concepts !

1Hatchuel, Weil, Le Masson dans Les processus d'innovation, 2006

mercredi 15 février 2012

Les sujets du Workshop d'Intégration (2007/2011)


En début d 'année, nous favorisons les thèmes déconcertants. Nos étudiants arrivent avec de grandes envies de liberté et l'idée que le design : c'est du fun. Quelle n 'est pas leur surprise, quand ils découvrent les sujets désuets et surannés que même le polard le plus attardé n'aborderait pas sans l'appréhension d 'être regardé avec un sourire en coin. Avec quelques années de recul, certains étudiants nous font part de leur souvenir ému de ce workshop, alors, pourquoi ne pas continuer ?

La bouillotte 
Nous avons commencé en 2007 avec la bouillotte. La réaction de la grand mère d'Etienne : "quelle drôle d 'idée, mais que vas tu leur apprendre ? " nous a rapidement conforté dans l'idée que la bouillotte faisait partie des objets rangés volontairement au rayon des objets indésirables : il y avait donc matière à faire !  Le sujet faisant son chemin, les étudiants découvrirent lors de leur observations, qu'outre sa fonction de chaleur d'appoint aujourd'hui peu utile, cet objet est fortement chargé d'émotions et de symboles. Il peut être, par exemple, la matérialisation pour les jeunes enfants de la présence chaude de la mère. Il est aussi utilisé par beaucoup de femmes en période menstruelle pour ses vertus décongestionnantes ; à ce titre, les bouillottes ne se vendent pas uniquement au rayon des objets d'entretien des grandes surfaces : on peut en trouver en pharmacie et en magasins de lingerie (une vente par jour!).

La cabine téléphonique
En 2009, c'est  la cabine téléphonique qui est investie : France Télécom dispose d'un parc de cabines téléphoniques dont le nombre a chuté de 35 % en France ces 10 dernières années.
L'entreprise se doit cependant d'assurer un service public dans chacune des communes (une par commune minimum et pour les communes de 1 000 à 10 000 habitants, des cabines supplémentaires) 
La généralisation du téléphone portable a-t-elle rangé cet édifice urbain au cimetière des transitions technologiques ?
Au Royaume-Uni, selon certaines études, contrairement aux idées reçues son utilisation n' est pas contradictoire avec l'acquisition d'un portable. Souvent oubliés et méconnus des nouvelles générations, ces petits espaces urbains sont encore utilisés dans plusieurs contextes.
France Télécom envisage aujourd'hui de rentabiliser son parc auprès des collectivités en proposant d'y ajouter des panneaux publicitaires.
Pour nous,il s'agissait surtout de faire prendre conscience à FT du potentiel et de la valeur de ce parc en leur proposant de nouvelles possibilités créatives sur ces produits et (ou) sur l'évolution du service.

Une des réponses les plus pertinentes est partie du constat que les touristes sont aujourd'hui des utilisateurs majeurs de cabines téléphoniques. De là, l'idée d'organiser un parcours « fil rouge » ludique et culturel entre les cabines d'une ville à visiter. Avec peu de moyens, les cabines peuvent retrouver une place de choix, comme les maillons d'un tissu urbain lisible et attractif.

Escout
En 2010, c'est le mot Escout qui est donné, sans autre précision : ce terme est à l 'origine du mot scout. A la fin du dix-neuvième, le mouvement scout permet à toute une génération de "boys" de sortir de leurs ghettos industriels et de développer leur instinct de survie et de sociabilité dans les forêts sauvages d'Angleterre. Ce qui était motivant, c'était de travailler sur une nouvelle discipline du design : le design social. Car les designers ont aussi des choses à dire sur la société, des propositions à faire pour aider à développer de nouvelles relations sociales.
Le sujet a donné lieu à des propositions très variées allant de la mise en relation (et qualification) de bénévoles avec des zones en manque de dynamisme, à des friandises enfantines de partage de bêtises en passant par une version revisitée des correspondants linguistiques.


La concierge 
Pour 2011, c'est la concierge qui fait l'objet de toutes les attentions. Là encore, nous souhaitions battre en brèche les a priori par des enquêtes de terrain musclées. Et elles ont montré que  le métier de concierge est un métier choisi : des hommes et des femmes choisissent ce métier pour le coté psy, la richesse des échanges, le temps libre qui permet de voir ses enfants grandir. Il y a bien des dimensions positives qui méritent d'être reprises, développées, amplifiées, décontextualisées.
Les étudiants nous ont surpris par la diversité des rebonds : la conciergerie d'entreprise pour ramener de la convivialité dans les PME, la rencontre avant de partir en club de vacances parce que c'est trop bête de se rencontrer à la fin du séjour et enfin la conciergerie de la mer ou comment faire se rencontrer en bord de port des touristes en quête d'authenticité et des habitués désireux de faire partager leurs cueillettes.
Etienne & Eloi
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